Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/10

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lisme triomphant. Enfin j’ai l’amour de l’humanité. Mais, dès qu’on me fiche un fusil dans la main, j’ai envie de tirer sur tout le monde. C’est dans le sang…

M. Roux était un beau garçon robuste, qui s’était vite débrouillé au régiment. Les exercices violents convenaient à son tempérament sanguin. Et comme il était, de plus, excessivement rusé, il avait, non pas pris le métier en goût, mais rendu supportable la vie de caserne, et conservé sa santé et sa belle humeur.

— Vous n’ignorez pas, cher maître, ajouta-t-il, la force de la suggestion. Il suffit de donner à un homme une baïonnette au bout d’un fusil pour qu’il l’enfonce dans le ventre du premier venu et devienne, comme vous dites, un héros.

La voix méridionale de M. Roux vibrait encore quand madame Bergeret entra dans le cabinet de travail, où ne l’attirait point d’ordinaire la présence de son mari. M. Ber-