Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/115

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assis à cette table ronde entre sa femme et ses filles. Ce n’était pas son bonheur qui était détruit (il n’avait jamais été heureux), c’était sa pauvre vie domestique, son existence intime, déjà si froide et pénible, maintenant déshonorée et renversée, dont il ne subsistait plus rien.

Quand la jeune Euphémie vint mettre le couvert, il tressaillit comme devant une des ombres de ce petit monde évanoui dans lequel il avait vécu jadis.

Il alla s’enfermer dans son cabinet, s’assit devant sa table, ouvrit au hasard le Bulletin de la Faculté, se posa soigneusement la tête dans les mains, et lut par habitude.

Il lut :

« Notes sur la pureté de la langue. Les langues sont semblables à d’antiques forêts où les mots ont poussé comme ils ont voulu ou comme ils ont pu. Il y en a de bizarres et même de monstrueux. Ils forment, réunis dans le discours, de magni-