Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/156

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Elle était grillée comme une cage de lions. Au fond, contre la planche à débiter la viande, le boucher, sous des quartiers de mouton pendus à des crocs, sommeillait. Il avait commencé de travailler au petit jour et la fatigue amollissait ses membres vigoureux. Les bras nus et croisés, son fusil encore pendant à son côté, les jambes écartées sous le tablier blanc, taché de sang, il balançait lentement la tête. Sa face rouge étincelait et les veines de son cou se gonflaient sous le col rabattu de sa chemise rose. Il respirait la force tranquille. M. Bergeret disait de lui qu’il donnait quelque idée des héros homériques parce que son genre de vie ressemblait au leur et qu’il répandait comme eux le sang des victimes.

Le boucher Lafolie sommeillait. Près de lui sommeillait son fils, grand et fort comme lui, et les joues ardentes. Le garçon de boucherie dormait la tête dans ses mains sur le marbre de l’étal, ses cheveux répandus