Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/164

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la salle à manger, tandis que lui-même classait les fiches de son Virgilius nauticus, tranquille, sans amour et sans haine. Ce Virgilius lui avait été commandé par une très antique maison de librairie qui suivait les vieux usages.

Madame Bergeret était violemment tentée chaque soir de poursuivre M. Bergeret dans son cabinet devenu aussi sa chambre à coucher et l’impénétrable asile d’une pensée impénétrable, de demander pardon à cet homme ou de l’accabler des plus basses invectives, de lui piquer le visage avec la pointe du couteau à cuisine ou de s’en taillader à elle-même la poitrine, indifféremment, car elle ne voulait qu’attirer son attention, exister pour lui. Et de cela, qui lui était refusé, elle avait besoin comme de l’eau, du pain, de l’air et du sel.

Elle méprisait encore M. Bergeret : ce sentiment était en elle héréditaire et filial. Il lui venait de son père et coulait dans son