Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/174

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devinrent camarades, puis la vie les sépara. Mais, chaque fois qu’ils se retrouvaient, ils redevenaient familiers et se querellaient avec plaisir. Georges Frémont vieillissant, alourdi, décoré, pourvu, gardait encore quelque reste de sa première ardeur. Ce matin-là, assis à table, entre madame Worms-Clavelin en peignoir et M. Worms-Clavelin en veston de chambre, il contait à son hôtesse qu’il avait découvert dans les greniers du musée, où elle dormait dans la poussière et les décombres, une petite figure en bois de pur style français, une sainte Catherine habillée en bourgeoise du xve siècle, mignonne, d’une finesse d’expression merveilleuse et l’air si raisonnable et si honnête qu’il avait eu envie de pleurer en l’époussetant. Le préfet demanda si c’était une statue ou un tableau. Georges Frémont, qui le méprisait affectueusement, lui répondit avec douceur :

— Worms, n’essaie pas de comprendre ce