Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/282

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

répandre en menaces et en invectives. Pour l’heure, il n’annonce ses vengeances que par la bouche de mademoiselle Deniseau, que personne n’écoute. Mais ses principes sont les mêmes qu’autrefois. Son système moral n’est pas essentiellement changé.

— Vous êtes un grand ennemi de notre religion, dit M. de Terremondre.

— Nullement, dit M. Bergeret. J’y découvre, il est vrai, ce que j’appellerai des difficultés intellectuelles et morales. J’y découvre même des cruautés. Mais ces cruautés sont anciennes, polies par les âges, roulées comme des galets, tout émoussées. Elles sont devenues presque innocentes. J’aurais plus de peur d’une religion nouvelle, façonnée trop exactement. Cette religion, fût-elle fondée sur la morale la plus indulgente et la plus belle, fonctionnerait d’abord avec une rigueur incommode et une exactitude pénible. J’aime mieux une intolérance rouillée qu’une charité aiguisée de frais. À