Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/306

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

savoir s’il était vraiment ce que disait Euphémie. Sur les premières vues qu’il jeta au dedans de lui-même, il constata que généralement il n’était pas méchant, qu’il était pitoyable, au contraire, sensible aux maux d’autrui, en sympathie avec les malheureux, qu’il aimait ses semblables, qu’il eût voulu satisfaire à tous leurs besoins, combler leurs désirs permis ou coupables, car il n’enfermait pas la charité du genre humain dans les limites d’un système moral et il avait souci de toutes les misères. Il tenait pour innocent tout ce qui ne fait de mal à personne. Aussi avait-il dans l’âme plus de douceur que n’en permettent les lois, les mœurs et les croyances diverses des peuples. Donc, s’étant regardé, il vit qu’il n’était pas méchant et il en eut quelque confusion. Il lui en coûtait de se reconnaître ces méprisables qualités de l’intelligence dont la vie n’est point fortifiée.