Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/334

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L’idée produite par son œuvre sur les esprits des hommes n’a pas moins varié. Toutes les époques littéraires s’en firent des représentations qui ne se ressemblent point entre elles. Et, sans rappeler les contes du moyen âge sur Virgile sorcier, il est certain que le Mantouan est admiré pour des raisons qui changent avec les temps. Macrobe reconnaissait en ce poète la sibylle de l’Empire. Dante et Pétrarque prisaient sa philosophie. Chateaubriand et Victor Hugo découvraient en lui un précurseur du christianisme. Pour mon compte, n’étant qu’un joueur de mots, je ne trouve dans ses œuvres que des amusements philologiques. Vous, monsieur Aspertini, vous lui reconnaissez une vaste connaissance des antiquités romaines, et c’est peut-être le mérite le plus solide de l’Énéide. Nous accrochons nos idées à la lettre des vieux textes. Chaque génération imagine à nouveau les chefs-d’œuvre antiques et leur communique de la sorte une immor-