Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/342

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elle demeura quarante heures étendue inerte sur le carreau de la cuisine. Ses réveils étaient terribles. Chacun de ses mouvements causait des catastrophes. Ce que nulle autre n’eût pu faire, elle fendit, en y posant un bougeoir, le marbre de la cheminée. Elle cuisinait les viandes à la poêle, dans un bruit déchirant, avec des odeurs empoisonnées ; et rien de ce qu’elle servait n’était mangeable.

Madame Bergeret, seule dans la chambre conjugale, criait de rage et pleurait de douleur sur les ruines de sa maison. Son malheur prenait des formes inattendues et bizarres qui étonnaient son âme régulière. Et ce malheur allait grandissant. Elle ne recevait plus la moindre somme d’argent de M. Bergeret, qui naguère encore lui remettait chaque mois ses appointements intacts, sans songer seulement à en retrancher le prix de ses cigarettes ; et comme elle avait fait de grandes dépenses de toilette au