Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/4

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le poète conduit ses héros, et pour déplorer amèrement qu’il ne lui eût pas été permis, comme à Gaston Boissier, comme à Gaston Deschamps, de visiter les rives où fut Troie, de contempler les paysages virgiliens, de respirer le jour en Italie, en Grèce et dans la sainte Asie. Son cabinet de travail lui en parut triste, et un grand dégoût envahit son cœur. Il fut malheureux par sa faute. Car toutes nos misères véritables sont intérieures et causées par nous-mêmes. Nous croyons faussement qu’elles viennent du dehors, mais nous les formons au dedans de nous de notre propre substance.

Ainsi M. Bergeret, sous l’énorme cylindre de plâtre, composait sa tristesse et ses ennuis en songeant que sa vie était étroite, recluse et sans joie, que sa femme avait l’âme vulgaire et n’était plus belle, et que les combats d’Énée et de Turnus étaient insipides. Il fut distrait de ces pensées par la venue de M. Roux, son élève, qui, faisant