Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/60

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sur le huitième livre de l’Énéide, il repassait machinalement dans sa tête les particularités de métrique et de grammaire qui avaient occupé son attention et, réglant la cadence de sa pensée sur celle de son pas, il se répétait à lui-même, à intervalles égaux, ces paroles mesurées : Patrio vocat agmina sistro Mais parfois son esprit curieux et divers s’échappait en aperçus critiques d’une grande liberté. La rhétorique militaire de ce huitième livre l’assommait et il trouvait ridicule qu’Énée reçût de Vénus un bouclier dont les reliefs représentaient les scènes de l’histoire romaine jusqu’à la bataille d’Actium, et la fuite de Cléopâtre. Patrio vocat agmina sistro. Parvenu au chemin des Bergères qui domine la côte Duroc, il songea, devant le cabaret couleur lie de vin, déserté, clos, moisi, du père Maillard, que ces Romains, à l’étude desquels il consacrait sa vie, étaient terribles d’emphase et de médiocrité. Par le progrès de l’âge et du goût,