Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/73

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n’était pas fraîche. Et quand, après avoir longtemps froissé en vain le plastron de sa chemise, il reconnut l’impossibilité de maintenir les boutons de nacre dans les boutonnières agrandies par un long usage, il s’affligea. Le regret lui vint au cœur de n’être point un homme du monde. Et, s’étant assis sur une chaise, il songea :

« Y a-t-il vraiment un monde et des hommes du monde ? Il me semble bien que ce qu’on appelle le monde est comme le nuage d’or et d’argent suspendu dans l’azur du ciel. Quand on le traverse, on ne voit plus qu’un brouillard. En réalité, les groupements sociaux sont très confus. Les hommes s’assemblent en raison de leurs préjugés et de leurs goûts. Mais les goûts combattent souvent les préjugés, et le hasard brouille tout. Sans doute, une longue richesse et les loisirs qui l’accompagnent déterminent un certain genre de vie et des habitudes particulières. C’est là, en somme,