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Page:Anatole France - Le Parti noir.djvu/12

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paisible. Et, qu’il se soit rencontré, par des temps calmes, chez un peuple aimable et tolérant, des hommes pour réveiller les vieilles haines de races et fomenter des guerres de religion, ce serait un sujet d’étonnement, si l’on ne savait d’où venaient ces hommes et si l’on ne reconnaissait en eux des missionnaires de l’Église Romaine. Aux antisémites se joignit bientôt un parti nombreux, le parti noir, qui, dans les salons, dans les faubourgs, dans les campagnes, semait des bruits sinistres, soufflait des nouvelles alarmantes, parlait de complot et de trahison, inquiétait le peuple dans son patriotisme, le troublait dans sa sécurité, l’imbibait longuement de colère et de peur. Il ne se montrait pas encore au grand jour et formait dans l’ombre une masse immense et confuse, où l’on devinait comme une ressemblance avec les frocs cuirassés des moines de la Ligue. Mais, quand il eut rallié toutes les forces de la contre-révolution, attiré les innombrables mécontents de la République, soulevé enfin devant lui tout ce qu’un coup de vent de l’opinion peut emporter de poussière humaine, il dressa son front immense et bigarré, et prit le nom brillant de nationalisme.