dans mon sommeil et m’apparaissaient, la nuit, immenses en leurs carapaces d’un bleu noir, épineuses et chevelues, tout armés de pinces, de dards, de scies, et sans visage et plus effrayants de n’avoir pas de visage que de tout le reste.
Dès le lendemain de mon arrivée, je fus enrôlé par un grand garçon dans une troupe d’enfants qui, munis de pelles et de pioches, construisaient sur la plage une forteresse de sable, y plantaient le drapeau français et la défendaient contre la mer montante. Nous fûmes vaincus avec gloire. Je sortis un des derniers du fort démantelé, ayant fait mon devoir, mais acceptant la défaite avec une facilité qui n’annonçait point un grand homme de guerre.
Un jour, j’allai en barque pêcher des coquillages avec Jean Élô qui avait des yeux d’un bleu pâle dans un visage tanné et boucané. Ses mains étaient si rudes qu’elles me râpaient la peau quand elles tenaient les miennes, en signe d’affection. Il pêchait au large, raccommodait ses filets, calfatait sa barque et, à ses heures de loisir, construisait dans une carafe une goélette parfaitement gréée. Bien qu’il se servît peu de la parole, il me conta son his-