Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/121

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grief mutuel de n’être pas nées dans le même pays. Marianne reprochait vivement à Catherine d’être Anglaise. Catherine, ennemie de l’Angleterre, bondissait sous l’insulte, frappait du pied, grinçait des dents et criait qu’elle était Irlandaise. Mais Marianne n’y voyait pas de différence. Un jour, dans le chalet de madame O’Brien, leur dispute pour la patrie finit par des coups. Marianne nous rejoignit sur la plage, les joues égratignées. Sa mère, en la voyant, s’écria :

— Miséricorde ! que t’est-il arrivé ?

Marianne répondit très simplement :

— Catherine m’a griffée parce que je suis Française. Alors je l’ai appelée vilaine Anglaise, et je lui ai donné un coup de poing sur le nez qui l’a fait saigner. Madame O’Brien nous a envoyées nous laver dans la chambre de Catherine. Et nous nous sommes réconciliées, parce qu’il n’y avait qu’une cuvette pour nous deux.