Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/135

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qu’il n’y fût présent. Au reste, bienveillant, affable et s’efforçant d’obliger ses locataires quand il ne lui en coûtait rien. Il habitait parmi nous comme un père au milieu de ses enfants, et je voyais de ma fenêtre les rideaux de sa chambre à coucher qui étaient d’un bleu vif. On ne lui en voulait pas d’être grand ménager de son bien, et peut-être l’en estimait-on davantage. Ce que l’on considère chez les riches, c’est leur richesse. Leur avarice, en les faisant riches, les rend plus considérables, tandis que leur libéralité, qui diminue leur trésor, diminue en même temps leur crédit et leur renommée.

M. Bellaguet avait fait toutes sortes de métiers, dans sa jeunesse, à l’époque de la Révolution. Il était, comme son roi, un peu apothicaire. En cas d’urgence, il donnait les premiers soins aux blessés et aux asphyxiés, et les bonnes gens lui en avaient de la reconnaissance. On ne pouvait voir plus beau vieillard, plus vénérable et de plus noble maintien. Il savait être simple. On citait de lui des traits dignes de Napoléon. Un soir, il avait tiré le cordon lui-même plutôt que de réveiller son portier. Il était bon père de famille ; ses deux