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chambre de madame Nozière pour y attendre ma venue. On était en avril ; il faisait frais. Quatre ou cinq commères du quartier, entre autres madame Caumont, la libraire, madame veuve Dusuel, madame Danquin, mettaient des bûches dans la cheminée et buvaient du vin chaud pendant que ma mère ressentait les grandes douleurs.

— Criez, madame Nozière, criez tout votre saoul, disait madame Caumont ; cela vous soulagera.

Madame Dusuel, ne sachant où mettre sa fille Alphonsine, âgée de douze ans, l’avait amenée dans la chambre, d’où elle la faisait sortir à chaque instant, de crainte que je ne me présentasse tout à coup à une si jeune demoiselle, ce qui n’eût pas été convenable.

Ces dames n’avaient pas le bec gelé et caquetaient, à ce qu’on m’a rapporté, comme au vieux temps. Madame Caumont contait abondamment, au grand déplaisir de ma mère, de terribles histoires de regards. Une femme enceinte de sa connaissance, ayant rencontré un cul-de-jatte qui tenait un fer à repasser dans chaque main et demandait l’aumône, accoucha d’un enfant sans jambes. Elle-même,