Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/178

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fleurs. Tous les samedis, après le dîner qui finissait alors vers les six heures, ma mère mettait sa capeline pour traverser la cour et m’emmenait passer avec elle la soirée chez les dames Laroque. Elle emportait son ouvrage dans un sac, afin de coudre ou de broder avec ses voisines ; les autres dames qui fréquentaient dans la même maison en faisaient autant : vieille coutume de l’ancien régime, et non point bourgeoise et particulière aux petites gens comme on pourrait croire aujourd’hui, mais suivie, à l’époque de Louis XVI, par la société la plus aristocratique, qui n’était pourtant point austère. Sous Louis XVI, les femmes du plus haut rang parfilaient en compagnie. Madame Vigée-Lebrun conte dans ses mémoires que, pendant l’émigration, reçue à Vienne chez la comtesse de Thoun, elle prenait place à la grande table autour de laquelle des princesses et des dames de la cour faisaient de la tapisserie. Ce que j’en dis n’est pas pour qu’on croie que ma chère maman et moi allions une fois la semaine chez des princesses.

Madame Laroque était une bien simple vieille, mais grande de labeur, de patience, d’amour et d’une sagesse domestique à