Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/189

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Ce furent des temps sombres. Mon père, l’homme du monde le moins propre aux affaires, était entré dans une affaire je ne sais pourquoi, par une confiance aveugle en l’ami qui la lui avait proposée, par obligeance extrême, par espoir d’assurer à sa femme une existence aisée et facile et de pourvoir largement à l’éducation de son fils, par philanthropie, que sais-je ? par distraction, peut-être, et sans s’en apercevoir. Il s’était associé à son ami Gomboust pour l’exploitation de l’eau de Saint-Firmin, qui fut analysée par d’éminents chimistes et reconnue par plusieurs membres de la Faculté de Médecine très efficace contre les maladies de l’estomac, du foie et des reins.

Cette affaire, qui devait produire des bénéfices énormes, aboutit à un prompt désastre. Il me serait bien impossible de dire quelle sorte de société fut constituée pour l’exploitation de cette eau minérale, ni la part qui y fut faite à mon père. C’est un sujet pour un Balzac, non pour Pierrot. Je me borne très volontiers à rappeler de cette affaire le peu que mon esprit d’enfant en a saisi.

Adélestan Gomboust, propriétaire des sources de Saint-Firmin, dans les Hautes-Pyrénées,