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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/256

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lui écrire aussitôt qu’on aurait pris une décision à son égard, et la congédia avec un imperceptible sourire.

En se retirant, la jeune Radégonde prit, je ne sais comment, la poche de son tablier dans le bouton de la porte. Cet incident ne fut remarqué que de moi ; j’en observai toutes les circonstances, et j’admirai le regard de surprise et de reproche que Radégonde adressa au bouton ravisseur, comme si c’eût été un esprit qui voulût la retenir, ainsi qu’on voit dans les contes de fées.

— Comment la trouves-tu, François ? demanda ma mère.

— Elle est bien jeune, répondit le docteur, et puis…

Peut-être eut-il alors une vague et fugitive intuition du génie de Radégonde. Mais elle se dissipa avant d’être exprimée. Il n’acheva pas. Pour moi, petit comme j’étais et de plain-pied avec les petites choses, déjà j’en avais assez vu pour me faire l’idée que cette jeune paysanne changerait notre tranquille demeure en une maison hantée.

— Cette petite a l’air honnête, dit ma mère, peut-être parviendrai-je à la former. Si tu veux, mon ami, nous l’appellerons Justine.