Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/270

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celer sur sa base. Il s’ébranlait, il penchait terriblement, il menaçait de tomber sur l’insolente et de l’écraser dans sa chute. Alors, les sourcils froncés, les veines du front gonflées, elle lui criait : « Hola ! Ho ! », comme aux bêtes que naguère elle ramenait le soir à l’étable, et, d’un coup bien asséné, le rencognait sur sa borne.

Dans ces combats de chaque jour, le plumeau eut bientôt perdu toutes ses plumes. C’était avec la manchette de cuir et le bois dénudé que Justine époussetait désormais. À ce traitement, l’ange gardien perdit ses ailes, Jeanne d’Arc son épée, le jeune pêcheur son crabe, Mignon une boucle de ses cheveux, et Flore ne jeta plus de fleurs. Justine n’en était point troublée, mais parfois, à la vue de ces ruines, la jeune Tourangelle, les mains jointes sur le manche de son plumeau, demeurait songeuse et murmurait avec un sourire triste :

— Tout de même, ces guignols, ce que c’est craintif !