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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/290

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souffle, le bruit léger de sa robe et le murmure de sa plume courant sur le papier ?

Je ne me lassais pas de contempler mon institutrice. Je l’admirais surtout quand, s’arrêtant d’écrire, pensive, elle posait sur sa lèvre la boule d’argent de son porte-plume. Plus tard, en voyant au musée de Naples cette peinture de Pompéi qui représente en médaillon une poétesse, une muse tenant de la même manière son stylet sur sa bouche, je tressaillis au souvenir des délices de mon enfance[1].

Oui, j’aimais mademoiselle Mérelle, et ce qui me la rendait adorable presque autant que sa beauté, c’était son indifférence. Cette indifférence était infinie et divine. Mon institutrice ne m’adressait jamais la parole, ne me souriait jamais ; en aucun moment je ne reçus d’elle une louange ou un blâme. Peut-être que, si elle m’avait donné le moindre signe de bienveillance, le charme aurait été rompu. Mais, pendant dix mois que durèrent les leçons, elle ne me témoigna ombre d’intérêt. Parfois, avec la candide audace de mon âge, je voulais

  1. Une muse, sans doute. Mais on voit, dans le même musée, une autre peinture de Pompéi représentant la femme du boulanger Proculus, tenant de la même manière son stylet et son livre de ménage.