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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/321

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La maison Sibille, dans le parc de Neuilly, était blanche, flanquée d’une tourelle et précédée d’un perron qui dominait une belle pelouse au milieu de laquelle un jet d’eau s’élevait sur un bassin de pierre. C’est là que m’apparaissait, sur le sable des allées, frêle et toujours près de s’envoler, Clément Sibille. Il avait des yeux bleus limpides, un teint d’une blancheur éclatante, des traits d’une extrême finesse. Ses cheveux blonds, très courts, frisaient sur sa tête ronde ; mais ses oreilles, loin de se rabattre sur l’os temporal, y étaient perpendiculaires et déployaient largement des deux côtés de la tête leurs pavillons d’une grandeur extraordinaire et découpés par un jeu singulier de la nature en ailes de papillon. Transparentes, elles se coloraient, à la lumière, de rose et d’incarnat et brillaient de lueurs éclatantes. On ne s’apercevait pas que ce fussent de grandes oreilles, et l’on croyait voir de petites ailes. Du moins c’est l’image que me trace ma mémoire. Clément était très joli, mais étrange.

Je disais :

— Clément a des ailes de papillon.

Et ma mère me répondait :