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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/335

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Aussitôt je vis devant moi, dans un vague délicieux, deux femmes gracieuses, vêtues comme sur les images, qui se tenaient par la taille et qui se disaient des choses que je n’entendais pas, mais que je devinais touchantes et jolies. La chaire et le professeur, le tableau noir, les murs gris avaient disparu. Les deux femmes marchaient lentement dans un étroit sentier entre des champs de blé, fleuris de bleuets et de coquelicots, et leurs noms chantaient à mes oreilles : Esther et Athalie.

Je savais déjà qu’Esther était l’aînée. Elle était bonne. Athalie, plus petite, avait des nattes blondes, autant que je pouvais le discerner. Elles habitaient la campagne. Je devinais un hameau, des chaumières qui fumaient, un berger, des villageois dansant ; mais tous les traits de ce tableau restaient incertains, et j’étais avide de connaître les aventures d’Esther et d’Athalie. Le professeur, en m’appelant par mon nom, me tira de ma rêverie.

— Dormez-vous ? Vous êtes dans la lune. Allons ! Allons ! soyez attentif et écrivez.

Le maître nous dictait les devoirs et les leçons pour le lendemain : un thème latin à faire, une fable de Fénelon à réciter.