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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/38

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Dagobert promené dans Paris, la duchesse de Praslin assassinée ! Tout cela dans une feuille de papier et mille choses encore, moins solennelles, plus familières, et qui piquaient ma curiosité, tous ces sieurs qui donnaient ou recevaient des coups, qui se faisaient écraser par des voitures, qui tombaient des toits ou portaient chez le commissaire de police le porte-monnaie qu’ils avaient trouvé. Comment tant de sieurs, quand je n’en voyais aucun ? Et je m’efforçais vainement de me représenter un sieur. Je demandais ce que c’était, mais on ne me répondait rien de satisfaisant.

En ces temps reculés, madame Mathias venait à la maison aider Mélanie, avec qui elle s’accordait d’ailleurs fort mal. Madame Mathias, d’un caractère difficile, violente et sensible, me montrait beaucoup d’intérêt. Elle avait imaginé diverses supercheries édifiantes et morales pour me rendre meilleur. Elle feignait, par exemple, de trouver rapporté dans le journal, parmi les faits divers, entre un incendie « attribué à la malveillance » et un accident arrivé « au sieur Duchesne, journalier », le récit de ma conduite de la veille. Elle lisait : « Le jeune Pierre Nozière s’est montré hier,