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venir simplifié de ces images. Mes soldats se composaient d’un rond pour la tête, d’un trait pour le corps, et d’un trait pour chaque bras et pour chaque jambe. Une ligne brisée comme un éclair figurait le fusil avec sa baïonnette et c’était très expressif. Je ne faisais pas entrer le shako sur la tête ; je le mettais dessus, pour montrer toute ma science et spécifier à la fois la forme de la tête et celle de la coiffure. J’en dessinais un grand nombre de ce style, commun à tous les dessins d’enfants. C’étaient, si l’on veut, des squelettes et même des squelettes très sommaires. Tels quels, mes soldats me paraissaient assez bien faits. Je les traçais à la mine de plomb, en mouillant excessivement mon crayon pour le faire marquer. J’eusse préféré dessiner à la plume, mais l’encre m’était interdite, de peur des taches. Cependant, j’étais content de mon œuvre et me trouvais du talent. J’allais bientôt m’étonner moi-même.

Un soir, soir mémorable, je dessinais sur la table de la salle à manger, que Mélanie venait de desservir. C’était l’hiver ; la lampe, coiffée d’un abat-jour vert à Chinois, éclairait mon papier d’une chaude lumière. J’avais déjà tracé cinq ou six soldats, par ma méthode ordinaire