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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/54

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elles m’inspiraient de la vénération et une sorte de terreur religieuse. Je leur devinais une intelligence plus sûre que la mienne et un sentiment plus profond de la nature. Le caniche Zerbin me paraissait comprendre bien des choses qui m’échappaient et je prêtais à notre bel angora, Sultan Mahmoud, qui connaissait le langage des oiseaux, un génie mystérieux et le don de pénétrer l’avenir. M’ayant une fois mené au musée du Louvre, ma mère me montra dans les salles Égyptiennes des animaux domestiques enveloppés de bandelettes et enduits d’aromates :

— Les Égyptiens, me dit-elle, les adoraient comme des divinités, et, quand ils mouraient, les embaumaient soigneusement.

Je ne sais ce que les anciens Égyptiens pensaient des ibis et des chats ; je ne sais si, comme on le veut aujourd’hui, les animaux furent les premiers dieux des hommes, mais j’étais bien près d’attribuer à Sultan Mahmoud et au caniche Zerbin une puissance surnaturelle. Ce qui surtout me les rendait merveilleux, c’est qu’ils m’apparaissaient dans mon sommeil et conversaient avec moi. Une nuit, je vis en rêve Zerbin gratter la terre de ses