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bonne ménagère, l’épicerie chez Courcelles, rue Bonaparte, le café chez Corcelet, au Palais-Royal, et le chocolat chez Debeauve et Gallais, rue des Saints-Pères. Soit qu’il donnât libéralement ses pruneaux à goûter, soit qu’il fît briller au soleil les cristaux d’un pain de sucre, soit que, d’un geste élégant et hardi, il tînt renversé un pot de gelée de groseilles pour en éprouver la consistance, M. Courcelles me charmait par ses grâces persuasives et ses démonstrations péremptoires. J’en voulais presque à ma chère maman d’accueillir avec un air de doute et d’incrédulité les affirmations toujours illustrées d’exemples que lui faisait cet éloquent épicier. J’ai su depuis que le scepticisme de ma chère maman était fondé.

Je vois encore la boutique de Corcelet, à l’enseigne du « Gourmand », petite et basse, avec son inscription en lettres d’or sur fond rouge. Elle exhalait un délicieux arôme de café et l’on y voyait une peinture déjà vieille à cette époque, qui représentait un gourmand, habillé à la mode de mon grand-père. Il était assis devant une table couverte de bouteilles, chargée d’un pâté monstrueux et ornée d’un ananas décoratif. Je puis dire, grâce à des