Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/105

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les dessins du maître, le bon saint François recevant les stigmates, et devisaient des moyens d’endormir la jalousie de Memmi le savetier, dont la femme était belle et accommodante.

Buffalmacco, qui n’était pas moins habile, tant s’en faut, que ses deux camarades, monta à l’échelle et se mit à peindre les ailes du crucifix séraphique qui descendit du ciel pour faire au Bienheureux les cinq plaies amoureuses. Il eut soin de nuer le céleste plumage des plus fines teintes de l’arc-en-ciel. Cet ouvrage l’occupa tout le jour et, quand le vieux Tafi revint de San Giovanni, il ne put s’empêcher de donner quelques louanges à son élève. Il lui en coûta, car l’âge et la richesse l’avaient rendu maussade et méprisant.

— Mes fils, dit-il aux apprentis, ces ailes sont colorées avec assez d’éclat. Et Buffalmacco parviendrait très avant dans l’art de la peinture, s’il s’y appliquait plus obstinément. Mais il songe trop à faire la débauche. On ne vient à bout des grandes entreprises que par un labeur opiniâtre. Et Calendrino, que voici, deviendrait, par son application, votre maître à tous, s’il n’était point un imbécile.