Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

estimant que c’est le ton, comme on dit, qui fait la chanson et qu’il faut crier si l’on veut être entendu. Et il est de fait que l’oraison de maître Andrea Tafi était entendue chaque soir du Grec Apollonius et des deux jeunes Florentins qui couchaient dans la pièce voisine. Or, il se trouvait qu’Apollonius était d’humeur facétieuse, et tout semblable en cela à Bruno et à Buffalmacco. Et tous trois avaient grande démangeaison de jouer quelque tour au maître qui se montrait homme juste et craignant Dieu, mais avaricieux et dur. C’est pourquoi il advint qu’une certaine nuit, avant ouï le bonhomme adresser à la sainte Vierge sa prière accoutumée, les trois compagnons se mirent à rire sous leurs couvertures et à se moquer grandement. Et, dès qu’ils l’entendirent ronfler, ils se demandèrent l’un à l’autre, à voix basse, quelle moquerie ils pourraient bien lui faire. Sachant la grande peur que le vieillard avait du diable, Apollonius proposa d’aller, habillé de rouge, cornu et masqué, le tirer par les pieds hors de son lit. Mais le bon Buffalmacco leur parla comme il suit :

— Ayons soin de nous munir demain d’une