Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/134

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qui, marchant à la file, passaient l’un après l’autre devant le peintre. Et Buffalmacco reconnut les victimes innombrables de sa joyeuse humeur.

Il vit d’abord le vieux maître Andrea Tafi, de qui il avait appris comment on s’honore par la pratique des arts, et qu’il avait en retour maintes fois blasonné[1], lui faisant prendre pour démons de l’enfer des cierges piqués sur le dos d’une douzaine de grosses blattes, et le hissant dans son lit jusqu’aux solives du plancher, d’une telle manière que le bonhomme se crut élevé au ciel et eut grand peur.

Il vit Tête-d’Oie, le cardeur de laine, et sa femme si vaillante à filer. C’est dans la marmite de cette bonne femme que Buffalmacco jetait de grosses poignées de sel par une fente du mur, en sorte que Tête-d’Oie, chaque jour, crachait son potage et battait sa femme.

Il vit maître Simon de Villa, le médecin de Bologne, reconnaissable à son bonnet doctoral, celui-là même qu’il avait fait tomber dans la fosse aux ordures, près des Dames de Ripoli. Le docteur y gâta sa belle robe de velours, mais personne ne le plaignit, car, au mépris de sa



  1. WS : blazonner -> blasonner