Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/188

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Alors le carrier le regarda avec fureur et lui dit :

— Je n’aurai de paix qu’à ma mort. Va-t’en, maudite corneille dont les souhaits m’annoncent un bien trompeur ! Va crailler à de plus simples que moi ! Moi, je sais que la condition du carrier est tout entière malheureuse, et qu’il n’y a point de soulagement à sa misère. J’arrache des pierres depuis le matin jusqu’au soir, et, pour prix de mon travail, je reçois un morceau de pain noir. Et quand mes bras seront moins forts que les pierres de la montagne, quand mon corps sera tout usé, je mourrai de faim.

— Mon frère, dit le saint homme Giovanni, il n’est point juste que vous arrachiez beaucoup de pierres et ne receviez que peu de pain.

Le carrier se dressa debout :

— Moine, que vois-tu là-haut sur la colline ?

— Mon frère, je vois les murs de la ville.

— Et plus haut?

— Je vois les toits des maisons qui dominent les remparts.

— Et plus haut ?

— Les cimes des pins, les dômes des églises et les campaniles.