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Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/190

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et c’est pour eux que je tire la pierre. Et ils jouissent du fruit de mon travail.

Fra Giovanni soupira :

— Il faut que des hommes soient fous pour croire qu’ils possèdent une montagne.

Le carrier répliqua ?

— Ils ne sont point fous. Et les lois de la ville leur garantissent cette possession. Les citoyens leur paient les pierres que j’ai tirées. Et ce sont des marbres d’un grand prix.

Et fra Giovanni dit :

— Il faudrait changer les lois de la ville et les mœurs des citoyens. Saint François, l’ange du Seigneur, a donné l’exemple et montré la voie. Quand il résolut, sur l’ordre de Dieu, de relever l’église ruinée de Saint-Damien, il n’alla pas trouver le maître de la carrière. Et il ne dit point: « Apportez-moi les marbres les plus beaux et je vous donnerai de l’or en échange. » Car celui-là, qu’on nommait le fils de Bernardone et qui était vrai fils de Dieu, savait que l’homme qui vend est l’ennemi de l’homme qui achète, et que l’art du négoce est plus malfaisant, s’il est possible, que l’art de la guerre. Aussi ne s’adressa-t-il point aux