Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/32

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dresse, je veux contenter ses désirs et me donner à lui sans plus attendre.

Elle sourit : une dent longue et noire, qui lui sortait de la bouche, lui chatouillait la narine. Elle murmurait :

— Viens, mon Adonis !

Puis, tout à coup, furieuse :

— Fi ! Fi ! ses sens sont engourdis. Sa froideur offense ma beauté. Il me méprise ; mes compagnes, vengez-moi ! Mnaïs, Églé, Mélibée, vengez votre sœur !

À cet appel, toutes, levant leur fouet épineux, châtièrent si rudement le malheureux Fra Mino que son corps ne fut bientôt qu’une plaie. Elles s’arrêtaient par moments pour tousser et cracher et recommençaient ensuite de plus belle à jouer des verges. Elles ne cessèrent qu’à bout de forces.

— J’espère, dit alors Néère, que la prochaine fois il ne me fera pas l’affront immérité dont je rougis encore. Laissons lui la vie. Mais s’il trahit le secret de nos jeux et de nos plaisirs, nous le ferons mourir. Au revoir, beau mignon !

Ayant dit, la vieille s’accroupit sur le religieux et l’inonda d’une eau infecte. Chaque sœur à