Page:Anatole France - Le crime de Sylvestre Bonnard, membre de l’Institut, 1849.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

convient. Je vois que vous êtes un connaisseur. Je vous apporterai demain les Crimes des Papes. C’est un bon ouvrage. Je vous apporterai l’édition d’amateur, avec les figures coloriées.

Je l’invitai à n’en rien faire et le renvoyai content. Quand la toilette verte se fut évanouie avec le colporteur dans l’ombre du corridor, je demandai à ma gouvernante d’où nous était tombé ce pauvre petit homme.

— Tombé est le mot, me répondit-elle ; il nous est tombé des toits, monsieur, où il habite avec sa femme.

— Il a une femme, dites-vous, Thérèse ? Cela est merveilleux ! Les femmes sont de bien étranges créatures. Celle-ci doit être une pauvre petite femme.

— Je ne sais trop ce qu’elle est, me répondit Thérèse, mais je la vois chaque matin traîner dans l’escalier des robes de soie tachées de graisse. Elle coule des yeux luisants. Et, en bonne justice, ces yeux et ces robes-là conviennent-ils à une femme qu’on a reçue par charité ? Car on les a pris dans le grenier pendant le temps qu’on répare le toit, en considération de ce que le mari est malade et la femme dans un état intéressant. La concierge