Page:Anatole France - Le crime de Sylvestre Bonnard, membre de l’Institut, 1849.djvu/29

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il porte au cou une médaille attachée par une chaînette d’argent. Je le vois qui suce ses pouces et me regarde avec ses grands yeux ouverts sur ce vieil univers nouveau pour lui. La mère me regarde en même temps d’un air mystérieux et mutin ; elle s’arrête, rougit à ce que je crois, et me tend la petite créature. Le bébé a un joli pli entre le poignet et le bras, un pli au cou ; et de la tête aux pieds ce sont de jolies fossettes qui rient dans la chair rose.

La maman me le montre avec orgueil :

— Monsieur, me dit-elle d’une voix mélodieuse, n’est-ce pas qu’il est bien joli, mon petit garçon ?

Elle lui prend la main, la lui met sur la bouche, puis conduit vers moi les mignons doigts roses, en disant :

— Bébé, envoie un baiser au monsieur. Le monsieur est bon ; il ne veut pas que les petits enfants aient froid. Envoie-lui un baiser.

Et, serrant le petit être dans ses bras, elle s’échappe avec l’agilité d’une chatte et s’enfonce dans un corridor qui, si j’en crois l’odeur, mène à une cuisine.

J’entre chez moi.