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Page:Anatole France - Les Contes de Jacques Tournebroche.djvu/245

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celui dont je ne prononce pas le nom de peur de souiller ma bouche, abattre d’un coup d’épée le gonfalon qu’il était venu défendre, et tous les cavaliers, cherchant dès lors en vain, pour s’y rallier, les couleurs blanches et bleues, fuir éperdus, s’écraser les uns les autres, tandis que, lancés à leur poursuite, nous les égorgions comme des porcs au marché. Les artisans de la commune tenaient seuls encore ; il fallut les tuer autour du caroccio ensanglanté. Enfin, nous ne trouvâmes plus devant nous que des morts, et des lâches, qui se liaient entre eux les mains pour venir plus humblement nous demander grâce à genoux. Et moi, content démon ouvrage, je me tenais à l’écart.

FRA AMBROGIO.

Hélas ! vallée maudite de l’Arbia ! On dit qu’après tant d’années elle sent la mort encore et que, déserte, hantée des bêtes sauvages, elle s’emplit, la nuit, du hurlement des chiennes blanches. Votre cœur fut-il assez dur, messer Farinata, pour ne pas se fondre en larmes, quand vous vîtes, en cette journée