Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/150

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rences sur la peinture italienne et l’économie politique et il ne se passait pas une semaine qu’il ne fût terrassé pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures par une migraine atroce. Il passait aussi de longues heures chez sa fiancée, jeune fille sans dot, pas jolie, mais douce et délicate, qu’il adorait et qu’il comptait bien épouser dès qu’il aurait cinq cents francs devant lui.

Servien comprenait mal cette nature de bon ouvrier, pour laquelle le monde est une immense usine où l’on travaille habit bas, les manches retroussées, la sueur au front et une chanson aux lèvres. Il concevait encore moins un amour qui n’était pas né dans les prestiges du théâtre ou parmi les somptuosités de la vie oisive. Mais il sentait à tout cela un grand sens et une véritable force, et, comme il avait besoin de confident, il raconta ses amours à Garneret, avec l’accent d’un