Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/160

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— « C’est sale ! » disaient-elles.

Mais cette femme n’avait pas l’air d’entendre ; et l’on eût dit qu’elle ne ressentait plus rien. Elle ne mendiait pas. La Servien lui disait bonjour en passant, l’appelait par son nom, parlait avec elle, devant l’échoppe, quelquefois un quart d’heure. Elles conversaient toutes deux des voisins, des accidents arrivés sur la voie publique, des chevaux maltraités par les cochers, des peines de cette vie et du bon Dieu « qui n’est pas toujours juste ».

Il arriva à Jean d’assister à un de ces entretiens. Cette saveur des petites existences, ce goût particulier des vies misérables, paresseuses et résignées, remuait tout son sang dans ses veines de plébéien. En un moment, entre ces deux vieilles, couleur de pierre, et n’ayant de vie que celle de la rue, tantôt sombre et déserte, tantôt ensoleillée et peuplée, le jeune