Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/173

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Il s’oubliait dans ces rêveries quand un vieux prêtre lui fit signe d’entrer. Le bonhomme prit la lettre de présentation que Jean lui tendit, mit sur son gros nez des besicles dont les verres étaient ronds, peu s’en faut, comme les deux roues d’un petit chariot d’argent, et lut la lettre en l’éloignant de toute la longueur de son bras. Les fenêtres, qui donnaient sur le jardin, étaient ouvertes ; une branche de vigne vierge venait pendre sur le bureau, au pied d’un crucifix de vieil ivoire. Une petite brise faisait palpiter les papiers comme des ailes blanches. L’abbé Bordier, ayant fini de lire, tourna vers le jeune homme sa large face labourée et son front que l’âge avait admirablement poli. Il ôta ses lunettes et se frotta les yeux. Ses paupières fripées, remontant lentement, découvrirent des prunelles d’un gris qui faisait songer aux matins d’automne. Renversé dans son fauteuil,