Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Puis les noms caressants de Néréides, de flûtes, de parfums. Alors le sang lui monta aux joues. La femme qui était pour lui l’unique incarnation de tout l’éternel féminin lui apparut avec une netteté prodigieuse ; un douloureux frisson de volupté hérissa tous les poils de sa chair, ses ongles entraient dans la paume de ses mains, et ce qu’il voyait lui causait des souffrances indicibles, des souffrances délicieuses : c’était Gabrielle en peignoir devant les fleurs et les cristaux d’une table élégante et petite. Il voyait nettement et fouillait des yeux tous les plis de la molle étoffe que soulevait à la gorge le souffle de la jeune femme. Son visage, son cou, ses mains animées avaient un éclat extraordinaire et pourtant si naturel que le désir s’en exhalait comme de la réalité même. Le magnifique tissu des lèvres, pleines comme un fruit mûr, et le beau grain de la peau étalaient ces tré-