Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/254

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tout cela la face enluminée du vieux mauvais homme. Quelle honte ! Il avait vécu bien mal ! mais aussi, il avait vécu bien peu, le pauvre enfant ! et, dans sa justice, il se sentait pour lui-même plus de pitié que de colère.

Il songeait tous les jours, il songeait toutes les heures à Gabrielle ; mais comme il sentait pour elle un amour nouveau ! C’était une pensée tranquille et tendre, un sentiment désintéressé, un rêve plein de douceur.

C’était un songe merveilleusement délicat, comme la solitude et le malheur en forment seuls dans les âmes qu’elles arrachent aux rudesses de la vie commune : l’idée d’une belle vie pleine d’ombre, vouée tout entière, sans salaire ni retour, à la femme aimée de loin, comme la vie du bon curé de campagne est vouée au Dieu qui ne descend point du tabernacle.