Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/38

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gravité des maîtres. Peu à peu, il s’accoutuma à sa tâche, s’appropria quelques-unes des ruses par lesquelles on évite les punitions, inspira à ses camarades assez d’indifférence pour qu’ils ne lui volassent plus sa casquette et apprit à jouer aux billes. Mais il n’aimait guère la pension et, à cinq heures du soir, quand la prière était dite et la gibecière bouclée, il se jetait d’un élan joyeux dans la rue toute dorée par le soleil couchant. Dans l’ivresse de la liberté, il faisait de grands bonds, voyait tout, gens et bêtes, voitures et boutiques, sous un charme, et il en mordait de plaisir le bras, la main, de la Servien qui l’accompagnait en portant la gibecière et le panier.

Les soirées étaient paisibles. Jean faisait des bonshommes et rêvait sur ses cahiers à un bout de la table que la Servien achevait de desservir. Le père lisait. En vieillissant il avait pris goût aux livres ; il