Page:Anatole France - Les Désirs de Jean Servien.djvu/90

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que le long travail de la vie imprime uniformément à tous les hommes. Le vieillard avait lu, réfléchi, tendu vers le mieux avec bonne volonté et reçu cette onction que la foi religieuse donne aux simples : car il était devenu pieux, et il suivait les offices de sa paroisse. Jean se dit qu’aimer ce père serait chose facile et douce, et il résolut d’entrer dans une vie de travail et de sacrifice. Mais il n’avait pas d’état et il ne savait que faire.

Enfermé dans sa chambre, il eut pitié de lui-même et il voulut se redonner la paix du cœur, le calme des sens, la bonne vie qui s’en était allée avec cette feuille de platane livrée, l’autre soir, au fil de l’eau. Ayant ouvert un roman, à la première page d’amour il rejeta le livre, se mit à lire un récit de voyages et suivit un explorateur anglais dans le palais de roseaux du roi de l’Ouganda. Il remonta le Nil à Ouron-