Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/108

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— C’est ainsi, reprit M. Nicolas Cerise, qu’on garde dans le cabinet du roi un veau à cinq pattes et un enfant à deux têtes.

— J’ai vu mieux encore à Auneau, près Chartres, dit ma mère en posant sur la table une douzaine d’aunes de saucisses aux choux dont la fumée agréable montait aux solives du plancher. J’ai vu, messieurs, un enfant nouveau-né avec des pattes d’oie et une tête de serpent. La sage femme qui le reçut en eut tant d’horreur qu’elle le jeta au feu.

— Prenez garde, s’écria M. l’abbé Jérôme Coignard, prenez garde que l’homme naît de la femme pour servir Dieu et qu’il est inconcevable qu’on le puisse servir avec une tête de serpent, et qu’en conséquence il n’y a pas d’enfants de cette sorte, et que votre sage femme rêvait ou qu’elle s’est moquée de vous.

— Monsieur l’abbé, dit M. Nicolas Cerise avec un petit sourire, vous avez vu comme moi, dans le cabinet du roi, un fétus à