Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/155

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aïeux. J’y rencontre une chronique barbare de Monstrelet, auteur qu’on a dit plus baveux qu’un pot de moutarde, et deux ou trois vies de sainte Marguerite, que les commères mettaient jadis en compresse sur leur ventre dans les douleurs de l’enfantement. Il serait inconcevable que les hommes eussent été si sots que d’écrire et de lire de pareilles inepties, si notre sainte religion ne nous enseignait qu’ils naissent avec un germe d’imbécillité. Et, comme les lumières de la foi ne m’ont jamais fait défaut, non point même, par bonheur, dans les erreurs du lit et de la table, je conçois mieux leur stupidité passée que leur intelligence présente, qui, pour tout dire, me semble illusoire et décevante, telle qu’elle semblera aux générations futures, car l’homme est, par essence, une sotte bête et les progrès de son esprit ne sont que les vains effets de son inquiétude. C’est pour cette raison, mon fils, que je me défie de ce qu’ils nomment science et philosophie, et