Aller au contenu

Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

intellectuelles tout à fait pitoyables, dans lesquelles le coq-à-l’âne des cuistres prête la main aux calembours ingénus des âmes artistes. Je ne crains pas de dire qu’à l’heure qu’il est, nous n’entendons pas un seul vers de l’Iliade ou de la Divine Comédie dans le sens qui y était attaché primitivement. Vivre c’est se transformer, et la vie posthume de nos pensées écrites n’est pas affranchie de cette loi : elles ne continueront d’exister qu’à la condition de devenir de plus en plus différentes de ce qu’elles étaient en sortant de notre âme. Ce qu’on admirera de nous dans l’avenir nous deviendra tout à fait étranger.

Il est probable que Jacques Tournebroche, dont on connaît la simplicité, ne se posait pas toutes ces questions au sujet du petit livre sorti de sa main. Ce serait lui faire injure que de penser qu’il avait de lui-même une opinion exagérée.

Je crois le connaître. J’ai médité son livre. Tout ce qu’il dit et tout ce qu’il tait trahit