Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/205

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pauvre de son fumier : Erigens de stercore pauperem, ut collocet eum cum principibus, cum principibus populi sui. Ce sont là des coups qui étonnent les peuples, et ceux qui les frappent se doivent croire armés d’une puissance mystérieuse et terrible. Et quelle joie de tirer le pauvre d’esprit de son fumier, lorsqu’en même temps on laisse dans l’ombre quelque despote de l’intelligence. C’est boire, d’un seul trait, un mélange rare et délicieux de charité contente et d’envie satisfaite. C’est jouir par tous les sens et contenter tout l’homme. Et vous voulez qui des académistes résistent à la douceur d’un tel philtre !

» Il faut considérer encore qu’en se procurant cette volupté savante, les académistes agissent au mieux de leurs intérêts. Une compagnie formée exclusivement de grands hommes serait peu nombreuse et semblerait triste. Les grands hommes ne peuvent se souffrir les uns les autres, et ils n’ont guère d’esprit. Il est bon de les mêler aux