M. l’abbé Coignard but un grand coup de vin et reprit à voix basse :
— Aussi, pour mon salut, est-il du moins un sujet sur lequel je n’ai jamais exercé mon intelligence. Je n’ai point appliqué ma raison aux vérités de la foi. Malheureusement, j’ai médité les actions des hommes et les mœurs des cités ; c’est pourquoi je ne suis plus digne de gouverner une île, comme Sancho Pança.
— Cela est fort heureux, reprit M. Rockstrong en riant, car votre île serait un repaire de bandits et de malandrins, où les criminels jugeraient les innocents, s’il s’en trouvait d’aventure.
— Je le crois, monsieur Rockstrong, je le crois, reprit mon bon maître. Il est probable que, si je gouvernais une autre île de Barataria, les mœurs y seraient ce que vous dites. Vous avez peint là d’un trait tous les empires du monde. Je sens que le mien ne serait pas meilleur que les autres. Je n’ai point d’illusions sur les hommes, et