Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/285

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nant par l’Égypte, il frappa, le soir, à la porte d’un bon anachorète qui, le prenant pour un voyageur, lui offrit à souper et lui donna du vin dans une coupe d’or. Puis il le fit coucher dans son lit et s’étendit lui-même à terre, sur quelques poignées de paille de maïs. Pendant qu’il dormait, son hôte céleste se leva, prit la coupe dans laquelle il avait bu, la cacha sous son manteau et s’enfuit. Il agissait de la sorte, non point pour faire tort au bon ermite, mais au contraire dans l’intérêt de l’hôte qui l’avait reçu charitablement. Car il savait que cette coupe aurait causé la perte de ce saint homme, qui y avait mis son cœur, tandis que Dieu veut qu’on n’aime que lui et ne souffre pas qu’un religieux soit attaché aux biens de ce monde. Cet ange, qui participait de la sagesse divine, distinguait les faux biens des biens véritables. Les juges ne font pas cette distinction. Qui sait si madame la conseillère Josse ne perdra point son âme avec les barbes de dentelle que sa